jeudi 11 novembre 2010

Casus Belli n°3



Et voilà. Casus Belli, troisième incarnation, poursuit son aventure et nous en sommes déjà au troisième opus. Un numéro 3 sous le signe du Polar, la série noire. Alors juste un petit mot pour signaler que le magasine démontre au fil des numéro une qualité de plus en plus grande. Acheté, lu dans la foulée, de la première à la dernière page. Le dossier est intéressant, les scénarios donnent envie de jouer, les articles plaisant. Et la forme est à l'avenant.
Casus Belli troisième du nom s'affirme, trouve son ton, offre du plaisir et une foule d'idées à la lecture, mais surtout, donne envie de jouer et développe un nouveau lien dans la communauté rôliste. Indispensable ! Abonnons-nous, achetons-le, mais surtout soutenons l'équipe de passionnés qui nous permet de (re)trouver ce petit bonheur mensuel et l'envie de partager nos aventures.
Donc, un petit article, pour un grand bravo !
Vivement le prochain numéro...

mercredi 3 novembre 2010

Humanité

Je fais un peu de rangement sur mon disque dur et je retombe sur quelques projets plus ou moins achevés. Cette nouvelle fait partie des écrits finalisés. Ecrite il y a environ deux ans, elle était à l'origine destinée à un appel à textes qui n'a jamais abouti. Dommage, j'aime bien ce récit même si, avec du recul, j'aurai peut-être abordé autrement le sujet. Un thème, la notion d'humanité, qui me tient particulièrement à coeur et qui, je m'en rend compte, revient souvent , d'une manière ou d'une autre, dans mes écrits.
Voilà, je vous livre cette nouvelle telle que je viens de la retrouver. J'espère que vous prendrez plaisir à la lire.
(et merci à véro et Chrystel pour leurs relectures attentives et leurs commentaires pertinents)


HUMANITE

L’holotélévision est toujours allumée lorsque je reviens dans le salon. La même chaîne d’information. Celle que Holly regarde au bureau, sur l’écran trop petit de son ordinateur. « Grande Gueule » Van Zandt, le capitaine du neuvième district, n’aime pas qu’elle utilise ainsi, pour des motifs personnels, le matériel du commissariat. Mais le détective Holly Calloway prétend que ce lien virtuel lui permet de rester en contact avec le monde. Lorsque j’essaie de lui faire remarquer que les informations qu’elle voit défiler devant elle ne correspondent pas à la réalité, mais juste à une version passée à travers le filtre des médias, elle se contente de rire.
« C’est justement pour cette raison qu’il s’agit de la vision la plus juste de notre monde » me rétorque-t-elle avec son sourire mutin. Mes programmes d’analyse et de communications supposent qu’elle se moque sans doute de moi.
Pourtant, j’insiste, ce sont sempiternellement les mêmes nouvelles qui reviennent en boucle. Les organiques ont-ils besoin de les entendre sans cesse répétées pour qu’elles deviennent finalement réelles dans leur univers d’images et d’apparences ?

Dans le salon de l’appartement de Holly, une journaliste aux traits trop lisses commente les derniers événements de la nuit.

« … aujourd’hui que s’ouvre, au sénat, un débat qui s’annonce passionné et passionnant. La question essentielle, née des progrès fulgurants réalisés ces dernières années en matière de biocybernétique … »

Le son est trop fort. Je lance un scan des ondes présentes dans la pièce. Mon cerveau positronique repère en une nanoseconde la fréquence correspondant à l’holotélévision. D’un simple ordre mental, je baisse le volume. Télécommande intégrée. Pratique.
Je m’approche de la fenêtre aux vitres blindées. Jolie vue sur la ville depuis ce soixante-septième étage. Ce n’est pas avec son maigre salaire de flic qu’elle peut se payer ce loft luxueux. Elle a une famille, pour ça.
Il fait nuit. Il pleut. Des milliers de lumières, entités presque vivantes, étincelles vacillantes dans les rues en contrebas et sur les façades des gratte-ciels géants, témoignent que Détroit ne dort jamais. Tout comme moi.
Les humains se noient, se perdent, à travers ce dédale de béton, de verre, de métal et de néon. Anonymes. Enfermés dans leur solitude au milieu d’un jeu de miroirs où chaque regard n’est que le reflet du sien. Egarés dans un monde devenu trop petit, trop virtuel, trop vide. Pourtant, ils sont chez eux. Du moins, ils peuvent encore appeler ainsi cette planète qui continue, malgré tout ce qu’il lui font subir, à les abriter et les protéger. Chez eux.
Organiques, je vous envierais si je pouvais être capable d’un tel sentiment.
Je colle mon front contre la vitre glacée. Le derme en polymère de mes doigts caresse la surface de verre. Mes capteurs enregistrent « froid », « dur », « lisse ». Est-ce suffisant pour dire que je ressens ces choses-là ?

« … quelle place donner aux cyborgs de septième génération dans notre société actuelle… »

La journaliste au sourire figé poursuit sur un ton monocorde sa présentation bien huilée. Je ne lui accorde qu’un bref regard. Mon analyseur rétinien trace une image reconstituée de son visage et la compare à ma base de données. Tracy Chase. Cinquante-huit ans, mais les traits d’une trentenaire. Son corps a été tellement refait que l’on peut légitimement se demander si, aujourd’hui, elle reste encore la même personne qu’elle était à sa naissance. Du moins, c’est une question qui, moi, m’interpelle.
Les organiques nous ont créés à leur image. Démiurges en miniature, vouliez-vous singer votre propre prétendu Créateur ?
Je ne le pense pas. Ainsi faits, nous dérangeons moins votre sens de l’esthétique. Nous sommes plus pratiques, pas besoin d’aménager votre environnement, vos habitudes, c’est nous qui devons nous y soumettre.
Très bien. Pourtant, vous-même, comme cette Tracy Chase, semblez bien insatisfaits de votre apparence et prêts à tout pour lui donner une forme correspondant mieux à vos fantasmes intérieurs. Que cela peut-il bien signifier pour moi qui vous ressemble ? Je n’en sais rien. Mes programmes ne me permettent pas de juger de cette question. Je constate seulement que, ce qui ne ressemblait au début qu’à un choix pragmatique, vous pose désormais un problème.
Nous vous ressemblons trop. Non ?
Ou plutôt, nous avons failli devenir par trop vos semblables. Il s’agit sans doute de la raison pour laquelle, alors que la médecine sait remplacer la peau humaine des grands brûlés sans laisser plus que quelques traces infimes en guise de cicatrices, les cyborgs continuent d’être affublés d’un revêtement téflon aux reflets métalliques si caractéristiques. Votre société a su, non sans mal, dépasser les questions de couleurs au sein de votre propre espèce. Vous avez relégué les luttes entre blancs, noirs, jaunes sur les bancs des cours d’Histoire. Aujourd’hui se dessine une nouvelle ethnie que vous ne manquez pas, sans même vous en rendre compte, de mettre à l’index. Les argentés.
Il fallait bien certifier votre différence. Sinon pourquoi vous demander si nous méritons désormais, dans votre société humaine, une place autre que celle d’un simple outil ?

« … émeutes. Ainsi, de nombreuses manifestations, hostiles aux cyborgs, sont organisées dans de nombreuses villes, à travers tout le pays. Cela renforce, auprès des parlementaires, l’idée que la Charte Kilkenny des Droits et Devoirs des Etres Artificiels soit devenue aujourd’hui totalement obsolète. En particulier avec l’apparition récente de ces nouveaux modèles… »

Non, nous ne sommes pas vos égaux. Je sais à leur regard, celui de mes collègues flics que je croise tous les jours, que je ne suis pas même l’un des leurs.
Je fais bien mon boulot, je suis compétent, ils en conviennent. Hormis le gros Sal, dont tout le monde s’entend pour dire qu’il appartient à la « vieille école » - quoi que cette expression puisse signifier pour eux – aucun des autres détectives de la brigade ne rechigne à se voir assigner un cyborg comme partenaire.
« Ils font de bons auxiliaires de police ! »  ai-je un jour entendu affirmer le capitaine VanZandt. Oui, tout comme les chiens et les drones de surveillance autonomes. Sauf que nous, en plus, nous pouvons ramener la voiture de patrouille si notre collègue a fait trop de zèle lors d’une enquête de proximité dans les bars à putes entre la sixième et Gibson Street. Pratique.

Le projecteur éblouissant d’une autojet aéroportée de la police balaie un instant les vitres de l’appartement. Instinctivement, je me recule derrière le montant aluminium pour échapper aux phares inquisiteurs du véhicule de patrouille. Je ressens une réelle surprise face à ma réaction. Un organique aurait-il agit différemment dans la même situation ?
J’espère que non, que ce qui nous différencie à vos yeux est bien plus ténu que vous ne le croyez. Que manque-t-il donc aux cyborgs pour que les humains cessent de nous voir comme des objets ?

« … au-delà d’une définition simplement organique. Le corps d’un cyborg de septième génération se révèle sans aucun doute tout aussi complexe que ne l’est le corps humain, explique le Docteur Kadikk, professeur au MIT et auteur de « Nouvelles formes de vie, nouvelles prises de conscience ». Il va même plus loin. Selon ce spécialiste en biocybernétique, la médecine s’appuie sur les extraordinaires progrès de la cybernétique et, à l’heure actuelle, plus de trente-cinq pour cent de la population des Etats-Unis bénéficie d’un implant ou d’améliorations biomécaniques. Alors, où se situe la frontière qui… »

Oui, où ?
Une petite parcelle d’âme ? Je suis conscient de mon existence, je suis né, je suis vivant, je vais m'éteindre. Point. Mais pour moi, il ne s’agit peut-être que d’une information parmi des milliards d’autres. Les prétendus dieux qui m’ont créé ont oublié d’introduire la notion de peur du néant dans mes circuits. Alors, forcément, je n’ai pas peur d’eux.
Comme une sorte de justification, vous pointez du doigt l’absence de sentiments. Combien de discussions entre organiques, tenues en ma présence, se sont interrompues sur cette réplique imparable : « Toi, évidemment, tu ne peux pas comprendre tout ça. Remarque, t’as plutôt du bol ! ».
Au regard de la complexité inutile que vous introduisez volontairement dans vos relations « humaines », en effet, je veux bien croire qu’il s’agisse d’une forme de chance. De fait, vous ne ressentez aucunement le besoin de nous ménager. Pour vous, notre avis est toujours objectif, dicté par une simple analyse des données présentes et enregistrables.
Seule Holly a tenté de franchir cette barrière. Voici des mois qu’elle essaie, exemples argumentés à l’appui, de m’expliquer ce que vous, organiques, ressentez.
Je peux, à travers un enchaînement d’éléments logiques ou illogiques, comprendre qu’un être humain en assassine un autre. Je suis programmé pour cela. Mais le concept de haine demeure obscur pour mes capacités électroniques d’analyse. Tout comme celui d’amour. Jusqu’à cette nuit. Est-ce par amour pour mes semblables que j’ai agi tel que je viens de le faire?
Ou bien, comme le pense Holly, la notion d’humanité se définit-elle finalement par son aptitude au libre-arbitre face aux valeurs véhiculées par une société qu’elle-même se construit ? Etait-ce cela que tu voulais m’enseigner ce soir ?
Le visage de son très cher père remplace celui de la journaliste sur l’écran plasma de l’holotélévision. Je monte aussitôt le volume à distance, mais je sais déjà ce qu’il va dire. Le chef de la police de Détroit n’a jamais caché son opinion au sujet des cyborgs.

« Bien sûr qu’ils nous ressemblent. Mais leur personnalité ne reste au final qu’un programme informatique, complexe certes, mais prévisible. Ils n’ont pas de sens moral, pas de choix à faire entre le bien et le mal, incapables d’actes gratuit ou impulsifs. Ils ne sont pas humains, tout simplement. »

En effet, cela est indéniable. Je ne suis pas humain. Un étranger dans un monde étranger. Vraiment ? Alors pourquoi m’avoir conçu si semblable à vous, pour me refuser ensuite une place à votre mesure, dans votre univers ?
Je coupe le son. Tracy Chase, impassible, poursuit son monologue muet. Ses lèvres siliconées remuent inutilement dans son visage trop parfait.
Il est temps de jouer le dernier acte. Aujourd’hui, je donne un espoir à tous les miens. Tout comme les organiques l’ont fait avant moi, je change le monde pour l’adapter à mon espèce.
Je retourne vers la chambre. Trop lentement. J’hésite peut-être. Aurai-je peur ? C’est délicieux.
Le repas de Holly, abandonné encore intact sur la table basse, est froid maintenant. Elle ne le mangera pas.
Sur la moquette crème, le verre de vin renversé a dessiné une tâche vermeille. Elle se serait sûrement amusée à imaginer, dans ces contours, une forme quelconque et fantastique. Je n’y vois qu’une tache de vin. Mais je sais parfaitement ce qu’elle signifie.
La chambre est toujours plongée dans la pénombre. Ma vision passe automatiquement en mode « LowLight » et s’adapte immédiatement à la faible luminosité ambiante. Les couleurs deviennent moins nuancées, mais aucun détail ne m’échappe.
Le lit n’est pas défait. Ses affaires sont encore là où elle les a déposées. Normal.
L’affichage digital du réveil annonce une heure trente-quatre du matin. Je vais retenir cette heure pour l’enquête.
Je ramasse mon arme de service. Pas besoin de mise en scène. Malgré l’absence d’empreintes, l’expertise légale établira sans problème l’origine de la balle et le propriétaire du revolver. De toute façon, mes microprocesseurs ont enregistré et stocké l’ensemble du déroulement de mes actes. Le film complet de la soirée.
Etendue sur la couette blanche, Holly ressemble à une madone abandonnée par son dieu. Je remarque qu’il y a très peu de sang. Comment aurions-nous pu signer autrement notre pacte ?
Contrairement à son père, elle voulait tellement croire en moi, son frère cyborg.
Je décroche son téléphone cellulaire. Je pourrais directement contacter le service des appels d’urgence grâce à ma connexion intégrée, mais je préfère composer le 911. Comme tout le monde. Comme vous.
Elle n’a jamais vu de différences entre nous. Selon elle, nous appartenons au même monde.
Du moins, elle a finalement réussi à m’en convaincre.
Merci Holly. Tu m’as ouvert les yeux. Et moi, j’ai définitivement clos les tiens.
C’est bien cela que tu voulais me dire, non ?
Aujourd’hui je suis comme vous, organiques.
Je suis libre.
Je suis.

mardi 2 novembre 2010

Mutant Future



Bon, j'inaugure une nouvelle rubrique, histoire de partager mes lectures de JDR. Ma ludothèque étant ce qu'elle est, c'est à dire assez fournie, je me suis donné comme objectif de rattraper (un peu) mon retard de lecture. Oui, je sais, c'est un voeux pieu et comme dirais un ami collectionneur, "un jour, j'aurai lu tous les livres de ma ludothèque.. si je me réincarne."
Ce n'est pas une raison pour ne pas s'y atteler, non?
Donc, pour commencer, voici un petit topo sur le livre que je viens de terminer, merci à la semaine de vacances que nous venons de nous octroyer.
Mutant Future, de goblinoid games.
Comment dire... Certes, j'aurais pu entamer cette rubrique par autre chose, mais je l'avais sous la main en bouclant la valise, un moment de faiblesse, je l'ai emporter.
Plus sérieusement, j'étais assez curieux de jeter un oeil à ce jeu. Un post apo (très) inspiré de ADD1 pour les règles, avec l'ambition affichée de retranscrire le "old school touch" de nos premiers émois rôlistiques des années 80.
Sur ce plan là, rien à redire c'est réussi (enfin, pour le ton années 80, parce que pour les émois...)
J'ai vraiment eu l'impression de lire un jeu écrit à cette époque, ni pire ni meilleur que dans mes souvenirs de lecture des premières productions TSR. Des règles, des règles, des monstres, des idées de pièges... Ne cherchez pas un univers, il n'y en a pas, sinon quelques pistes ici et là et quatre pages d'un "donjon" (on dit "ruines" ici) et d'une région vite esquissée.
Mais bon, je dois reconnaitre que je suis allé au bout parce que : 1) c'est facile à lire; 2) c'est amusant à lire; 3) il y a quand même quelques moments où je me suis demandé ce que donnerait en jeu ce que je lisais .
Alors non, je ne jouerai pas à Mutant Future (ou alors en one shot sur une convention, pour rire), mais je en regrette pas non plus le temps passé (pas trop long) à m'y plonger.
Pour en savoir plus et vous faire une idée par vous-même, allez voir là : Mutant Future

Enfin, pour la prochaine fois, je parlerai sans doute de L'affaire Armitage (presque achevée) ou des Ombres d'Esteren (dont la première impression après feuilletage et lecture des premières pages et plus que positive)

Musica-Litté



Cela est en passe de devenir un rendez-vous incontournable. Comme tous les ans au mois de novembre, la bibliothèque de Romagne (33) organise son salon littéraire. Troisième édition donc en 2010, placée cette année sous le double signe "musique et littérature".
J'y serai également présent afin de discuter avec les lecteurs de Coeur de Jade et pour quelques rencontres toujours enrichissantes, amusantes et parfois surprenantes.
Donc, si le dimanche 7 novembre, vous vous trouvez en Gironde, n'hésitez pas à passer à Romagne. On y glane toujours quelques découvertes intéressantes et de bons moments à partager.